Hervé Richard (Associé KPMG, Lyon) "Le marché international est un vecteur majeur de croissance qu’il faut savoir analyser"

Pour les PME et les ETI, partir à la conquête des marchés internationaux requiert une stratégie parfaitement calibrée et demande une parfaite connaissance du marché visé et des coutumes financières, juridiques et culturelles locales. Longtemps en poste à l’étranger, Hervé Richard, directeur KPMG Région Grand Sud-Est, partage son expérience.
Quelles sont les bonnes raisons de partir à l’international ?
Hervé Richard : "Cela répond à un enjeu de croissance, au même titre que l’innovation ou la fusion acquisition. En BtoB, une entreprise peut se lancer parce que ses clients ou fournisseurs lui demandent de les suivre là où ils se sont implantés. Son existence peut alors en dépendre. Parfois, en BtoC, cela répond à une intuition de l’entrepreneur à l’égard dudit marché."
… mais qui n’est sûr de rien. L’improvisation est donc exclue ?
H. R. : "Même si un choix se justifie parce qu’il existe un marché, même si les analyses disent que tel produit est adapté, il arrive que certains aspects n’aient pas été identifiés. Dans un pays de forte chaleur, une charcuterie joliment présentée en barquette va suinter, ruinant ainsi la qualité perçue. L’adaptabilité des produits aux règles spécifiques d’un marché doit être parfaitement étudiée et l’analyse s’avère parfois complexe. D’autant que les informations reçues ne sont pas toujours fiables. L’international est un combat qui peut déstabiliser ou faire mourir une entreprise mal préparée. D’où l’intérêt de s’adosser à des conseils locaux pour définir la vraie nature du marché à conquérir"
Les conditions d’accès sont-elles différentes entre les PME et les ETI du fait qu’elles n’ont pas les mêmes ressources ?
H. R. : "Quelles que soient votre identité et votre taille, à l’étranger, l’étranger c’est vous ! La force de l’ETI c’est qu’elle est mieux équipée en ressources pour faire des analyses sur l’international. Mais quand on arrive dans un pays, si on ne connaît pas sa culture et son environnement économique, que l’on soit PME ou ETI, les problématiques de départ sont identiques. Il faut investir des moyens, déléguer des personnes sur place. Cela représente un coût, humain et financier."
Quelle est la forme idéale d’implantation, export, filiale, partenariat, sous-traitance ?
H. R. : "Elle dépend des marchés et de ce que vous voulez y faire. La vraie question est de savoir à quel moment passer de l’export, première étape pour étudier le comportement d’un marché, à l’implantation. C’est une question de maturité de l’entreprise et de potentiel du marché. Une analyse précise est nécessaire en termes de législations, droits de douane, délais de livraison, stocks sur place ou production locale… Il est parfois préférable de racheter une entreprise locale avec ses agréments et/ou ses employés qui connaissent leur marché. Dans certains pays, embaucher des locaux est indispensable : on négocie mieux si on est de la même nationalité, et cela permet un accès plus rapide au marché lui-même."
C’est donc le rôle d’un cabinet de conseil de renseigner l’entreprise…
H. R. : "Une démarche internationale génère toujours un choc culturel dans la relation business, aux Etats-Unis comme en Roumanie ou en Chine. Mieux vaut faire appel à des conseillers qui possèdent à la fois la culture française de l’entreprise et la connaissance du marché qu’elle vise. Nous travaillons généralement en équipes mixtes. KPMG a des représentants dans plus de 50 pays : ils maîtrisent la réglementation locale et effectuent les premiers filtres pour éclairer nos clients sur leur engagement."
Qui met-on à la tête de la filiale ou du bureau ?
H. R. : "Un responsable français qui connaît parfaitement son entreprise. Rarement le patron, sauf s’il a un associé. Le taux d’échec quand personne n’est présent sur place est bien plus élevé. Sur les marchés émergents, pays de l’Est, Afrique, Amérique du Sud, l’exemple des grands comptes est à suivre. Il faut des expatriés pour implanter une filiale."
Mais leurs moyens financiers sont sans commune mesure…
H. R. : "Les PME peuvent faire appel à des VIE pour différentes fonctions, à condition aussi de partager entre elles leurs compétences pour réduire le coût."
Quel doit justement être le mode de financement pour une telle conquête ?
H. R. : "On peut s’intéresser aux aides françaises, dont celles des Régions. Mais il ne s’agit pas de partir juste pour obtenir des subventions ! Beaucoup de pays essayent d’attirer les entreprises. Il faut être prudent, car le risque financier est souvent lié aux fluctuations de la monnaie, notamment sur les emprunts. Je préconise un financement soit sur fonds propres, soit par emprunt français en euro. Autre frein potentiel, le retour des devises vers la France : si la balance des paiements dans le pays concerné est déséquilibrée, l’argent peut rester bloqué sur place. D’où l’idée de bien choisir le pays et d’être bien accompagné."