« L’hypercroissance exclut tout repli sur soi »
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François Bloch, Directeur Général de KPMG France
La croissance exponentielle d’une entreprise n’étant pas l’histoire d’un seul défi, maints ingrédients peuvent être inscrits sur la recette. Une recette forcément évolutive – hier n’est pas demain – où l’ouverture au monde extérieur tient - souvent - lieu de secret de fabrication.
Si la dimension humaine et la gouvernance apparaissent comme les nouveaux leviers du succès de l’entreprise en hyper croissance, la réalité économique oblige aussi le dirigeant, focalisé sur le développement, à des choix plus classiques. L’étude KPMG "Hypercroissance : le défi de l’écosystème entrepreneurial français", sortie en mai 2018, revient sur ces facteurs clés, présentés ici sous forme de postulats.
Et si l’hypercroissance était issue du seul autofinancement de l'entreprise ?
L’entreprise qui innove a besoin de financement pour se développer. Encore doit-elle faire preuve de discernement dans sa stratégie. "Le véritable défi réside dans le juste dimensionnement et l’optimisation du mix de financement, afin de garantir le meilleur effet de levier, la meilleure rentabilité des capitaux investis et le maintien d’une autonomie de la gouvernance", rappelle François Bloch. En 2016 et 2017, 67% des entreprises en hyper croissance interrogées ont sollicité un prêt bancaire et 17% une levée de fonds [plusieurs réponses possibles]. Mais 29% n’ont fait appel à aucun financement pour éviter tout effet dilutif du capital et garder une certaine autonomie, garante de leur liberté de stratégie.
Et si l’hypercroissance dépendait des arbitrages stratégiques ?
Les arbitrages menés par les dirigeants témoignent d’une certaine unanimité quant aux meilleures stratégies à adopter. Ils privilégient la croissance organique à celle externe, souvent par crainte des risques financiers, d’organisation ou d’intégration socio-culturelle au sein de leur entreprise. Ils se concentrent sur leur cœur de métier plutôt que de diversifier leurs activités pour éviter toute dispersion et perte d’identité, par leur difficulté aussi à en estimer le coût. Ils recherchent la rentabilité plutôt que l’aventure, quoique le secteur tertiaire soit plus ouvert au risque, souvent dicté par la nécessité d’occuper le terrain avant leurs concurrents. "Ces postures ne traduisent pas une volonté d’isolement, prévient François Bloch. D’ailleurs, les dirigeants ne refusent pas l’idée d’alliances ponctuelles, car l’hypercroissance exclut tout repli sur soi."
Et si l’hypercroissance devait passer par les pépites Tech ?
S’ils sont à peine 10% à envisager une acquisition pour accélérer leur croissance, les dirigeants estiment que la collaboration avec d’autres entreprises constitue une source indéniable de croissance. Les TPE de moins de 20 salariés en sont très demandeuses, celles ayant moins de 10 ans d’existence aussi. 18% des dirigeants interrogés estiment prioritaire le fait de nouer des partenariats stratégiques, ouvrant ainsi la porte à l’"entreprise étendue".
Dans ce jeu d’échanges réciproques, les start-up de la Tech jouent un rôle primordial. Ainsi, lorsqu’elles s’engagent dans un POC (‘Proof of concept’) pour tester en situation réelle leurs compétences et leur business model, elles s’associent à des grands groupes qui jouent le rôle de catalyseur. Le POC génère alors un double effet : de l’hypercroissance pour les premières, de l’innovation génératrice de développement pour les seconds.
Et si l’hypercroissance se faisait par l’ouverture à l’international ?
40% des entreprises en hypercroissance sondées exportent, avec un taux d’export moyen de 25%. Ce modeste pourcentage peut s’expliquer par la nécessité d’asseoir d’abord leur activité au national avant de conquérir le monde. Toutefois, le renforcement de l’internationalisation constitue leur troisième enjeu (après l’investissement dans l’outil de production/R&D et le pilotage de la performance). Leur zone de prédilection, l’Europe, désormais considérée comme un marché domestique du fait de sa proximité, de sa monnaie commune, de ses cultures. Si les états-Unis séduisent beaucoup, l’Afrique reste très loin de leurs projets malgré son potentiel.
Peut-être pourrait-on alors résumer ainsi la pensée des dirigeants : on peut bien rêver d’expansion, la tête dans les étoiles, encore faut-il garder les pieds sur terre.
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