La transformation digitale : d’abord une affaire de ressources humaines?
Benoît Favre-Nicolin (Associé KPMG) et Christian Poyau (président la commission Transformation Numérique du Medef, P-D.G. de Micropole)
Sujet de préoccupation majeure pour les entreprises, la transformation digitale ne se résume pas juste à l’acquisition de nouvelles technologies. Elle implique aussi une conduite du management, peut-être l’étape la plus délicate de cette révolution qui transforme profondément les habitudes.
La transformation digitale (ou numérique) est une nécessité absolue pour l’avenir des entreprises : selon une très récente étude Opinionway pour KPMG, elle est, pour les ETI, le deuxième levier majeur de développement après l’innovation produit, presque à égalité avec l’innovation managériale et le capital humain.
Mais à qui et à quoi sert la transformation digitale ?
Christian Poyau : "Le sujet concerne toutes les entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs. La transformation digitale accélère le développement. Elle permet de générer de l’activité, de se développer à l’international, de créer de nouveaux business model, de gagner des clients. C’est une opportunité énorme pour toutes les entreprises."
Benoît Favre-Nicolin : "Lorsque PME et ETI veulent se transformer sur le digital, elles vont focaliser sur deux objectifs, la relation client et l’efficacité opérationnelle. L’une apporte le chiffre d’affaires et l’autre permet de travailler sur des leviers de croissance tels que l’efficacité des forces de vente, la dématérialisation des processus… Cette transformation donne à l’entreprise un indéniable avantage compétitif."
La transformation digitale implique donc une rupture…
C. P. : "La question se pose sur la façon dont l’entreprise veut faire évoluer son business model. La technologie lui permet soit de proposer une nouvelle expérience à ses clients, soit de capter de nouveaux clients, soit de disrupter une chaine de valeur. Sans elle, un ‘surtraitant’, un concurrent qu’elle n’a jamais vu, risque de disrupter son modèle, de capter sa valeur et les liens avec ses clients."
Comment l’entreprise doit-elle procéder pour mener cette transformation ?
B. F-N. : "Le questionnement des PME et des ETI, c’est de savoir sur quoi elles vont investir et combien. Dans l’industrie 4.0 et la digitalisation ? Ou plutôt vers le client pour que cette digitalisation lui serve ? Et quel sera le retour sur investissement ? Pour réussir sa transformation, l’entreprise doit construire sa feuille de route digitale : définir son ambition et les enjeux, dire comment elle s’engage, exposer sa future organisation interne, se demander si elle a les compétences en interne ou s’il est préférable de s’adosser à des compétences externes pour accélérer le processus, car la rapidité est très importante."
C. P. : "C’est en effet un énorme défi pour les entreprises. Du point de vue du business model, comme de la conduite du changement. La transformation digitale implique d’adapter les équipes, de changer les habitudes, les modes d’organisation…"
Il est donc indispensable de se faire accompagner, mais par qui ?
C. P. : "L’entreprise ne doit pas rester en cercle fermé ou bloquée dans ses certitudes mais rencontrer d’autres entreprises qui ont franchi le palier, mais pas forcément dans le même secteur. On a pu voir l’industrie s’inspirer des banques. Le chef d’entreprise ne doit pas s’imaginer qu’il a une montagne à gravir. La transformation peut se faire étape par étape. Dans le e-commerce, on commencera par les réseaux sociaux, puis par un site où l’on ne vendra qu’une partie des produits, d’abord en France… Ce monde va très vite et l’entreprise a le droit de suivre des phases d’adaptation. D’où le lien potentiel avec des start-up pour tester divers développements. Cela nécessite de la flexibilité et de la curiosité."
Ce qui implique de convaincre l’ensemble de l’entreprise…
C. P. : "Le plus difficile est de faire évoluer le middle management, parce que la transformation digitale bouleverse, voire supprime ses règles de fonctionnement. Une entreprise qui n’évolue pas finit par dépérir."
B. F-N. : "Les RH sont la clé de la réussite. Selon notre étude, la principale difficulté des dirigeants réside dans la fédération des parties prenantes autour du projet. Elles vivent le changement et mettent en œuvre la transformation digitale au sein de l’entreprise. Ce sont donc des compétences qu’il faut développer au sein de l’entreprise. Sachant que d’autres seront acquises avec des start-up. L’étude relève que 62% des PME et ETI sont dans une logique de partenariats et d’acquisition de start-up pour accélérer le processus."