Brexit: Paris devant Francfort
Paris fait la course en tête dans la délocalisation des emplois de la City de Londres, selon le tracker exclusif Sia Partners
Sia Partners, le leader français indépendant des cabinets de conseil en management, a mis en place un tracker qui suit les transfert d’emplois de la finance londonienne vers le continent. A quelques mois des décisions finales sur l’ampleur exacte du Brexit, Paris est clairement dans la course et mène même d’une courte tête devant Francfort.
Pour les emplois délocalisés, ou en voie de l’être, c’est une estimation de 2482 transferts vers Paris (fourchette de 1833 à 3130 emplois), contre 1946 pour Francfort (fourchette de 1082 à 2810 emplois), 903 pour Dublin, 355 pour Amsterdam. Paris peut évidemment compter sur le retour partiel des géants bancaires français : Crédit Agricole, Société générale, BNP Paribas, sur les 200 emplois de l’Autorité Bancaire Européenne (EBA), et sur le poids d’HSBC, dont la filiale française est historiquement puissante.
Transferts plus faibles que prévu
Sia Partners note toutefois qu’à ce stade le nombre d’emploi transférés est plus faible qu’initialement prévu. Les grands établissements financiers emploient 150.000 personnes à Londres, les estimations de délocalisation portaient sur 10% de ces effectifs, Sia Partners estime qu'ils pourraient être finalement ne pas dépasser les 6%.
Il faut sans doute prendre en compte, pour analyser ces chiffres, la grande confusion qui règne encore sur la date réelle et les contours du Brexit, confusion que le récent sommet de Salzbourg n’a absolument pas levée. Dans le plan de « soft Brexit » (dit « Plan Chequers ») qu’elle a soumis aux Européens, Theresa May admettait la perte du « passeport européen » pour les services financiers britanniques. Or on estime que 20% des revenus du secteur bancaire britannique reposent sur la capacité de ses institutions (banques, gérants d’actifs et assurances) à vendre librement leurs produits et leurs services à l’intérieur de l’Espace Economique Européen. Mais le plan de Theresa May ayant été sèchement rejeté par les 27, l’incertitude reste entière sur le sort exact de la City. Quelle sera, par exemple, la marge de manœuvre réelle des start-up de la finance ? Trop tôt pour le dire, d’où la relative prudence encore des délocalisations.
Tapis rouge
En attendant, Paris a décidé de dérouler le « tapis rouge » et la loi PACTE en discussion à l’assemblée nationale prévoit des mesures dérogatoires pour les cadres dirigeants du secteur financier, le gouvernement a mis en place un guichet unique « tax 4 business » pour faciliter les démarches des acteurs internationaux qui souhaiteraient s’implanter en France, et s’aligne sur Francfort sur les dispositions techniques qui pourraient poser problème (imposition des impatriés, amortissement des survaleurs etc..). Edouard Philippe a même promis l’ouverture d’une école européenne, près de la Défense, pour 300 à 400 élèves, qui pourra dispenser l’enseignement en anglais sans être tenue par la limite d’au moins 50% d’enseignement en langue française. Autant d’efforts visiblement couronnés de succès, ce qui reste une performance vu l’historique récent des relations entre les dirigeants français et la finance internationale. La finance a maintenant un visage, celle de milliers de cadres à haut potentiel qui pourraient traverser la Manche, pour l’instant Paris réussit à les séduire.